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Vers 2020 les enfants de la génération Y entreront sur le marché du travail. Dans le cas où la civilisation existe toujours, comment la génération « Z » ou «Digital native» cherchera t-elle un travail ? Avec un peu d’imagination…

Je m’appelle Lucien. J’ai 23 ans et je viens d’achever mon service citoyen après 4 ans de « pré-études ». Selon le nouveau système mis en place par l’éducation nationale il y a 7 ans. Je n’ai pas eu de « diplôme » comme au temps de mes parents. A la place, j’ai développé mon « Profil Individuel d’Essor ».
Ce profil individuel est basé sur mes 20 « Ressources de départ ». Parmi elles, je peux vous citer : « tendances des attentes des consommateurs », « design et technologie » ou « psychologie et ergonomie », ma préférée. En réalité, toutes mes ressources sont mes préférées puisque je les ai choisi en fonction des résultats de tests psychométriques de personnalité et de motivation. Tests utilisés par l’éducation nationale au début de chaque cycle.

Mon parcours de formation n’est pas terminé bien sur. Afin de continuer à avoir une couverture sociale je dois développer au minimum 1 nouvelle ressource par an. C’est ce que l’on appelle la FIC « Formation Individualisée Continue », descendante du CIF de mes parents. En réalité beaucoup d’entreprises demandent de développer au moins 2 ou 3 ressources par an dans le cadre de son « Plan Individuel de Carrière et de Développement ». Une promotion peut dépendre directement du développement de ses ressources donc je sais que je devrai retourner très souvent en formation réelle ou virtuelle.

Aujourd’hui, le 23 juin 2024 est un grand jour, je cherche du travail. J’ai attendu jusqu’au dernier moment mais pour valider définitivement mes ressources, je dois travailler à partir de demain matin.

Le taux de chômage a été calculé pour la dernière fois alors que j’étais sur les bancs de l’école. Il n’est plus calculé depuis que la majorité les allocations d’aide à l’emploi ont été supprimées. Nous payons la mauvaise gestion du temps de nos parents. Le « après nous s’il en reste management » comme on l’appelle aujourd’hui. Le marché de l’emploi est tellement tendu de toute façon que 300 000 emplois restent vacants chaque année juste dans la région européenne de France. La plupart des formations permettant d’avoir un emploi rapidement étant gratuites (financées par les entreprises) ne pas travailler est un choix, plus une fatalité. Même le choc pétrolier de mai 2016 et n’a pas eu beaucoup d’impact sur cette tendance, tout le monde était prêt et le développement des nouveaux emplois liés au management de l’eau et de l’environnement on absorbés les derniers chercheurs d’emploi.

Le recrutement classique a pratiquement disparu maintenant que chaque candidat est capable de trouver du travail de lui même en quelques heures. Par contre les chasseurs de tête et les agents de carrière se sont multipliés.
Les chasseurs de tête sont devenus de plus en plus hostiles afin de débaucher les meilleurs. Peu importe où ils se trouvent dans le monde. Heureusement une loi a été voté pour protéger les petites entreprises, victimes systématiques de cette « chasse au talent ».
Avec le nombre d’offre d’emplois reçus par un salarié performant ayant plus de 45 ressources pouvant dépasser les 10 par jours, les agents de carrières interviennent en tant que conseillers. Comme un agent de star, ils aident les salariés à bâtir un chemin de carrière solide correspondant à leurs attentes et leur permettant de maximiser leur rémunération.

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Je me connecte maintenant sur mon ordinateur. Je chausse mes lunettes 3D et mon « Emocap». Ces deux éléments me servent normalement à jouer ou à me promener dans les communautés virtuelles. Ce sont des espace 3D ou l’on peut rencontrer d’autres personnes connectées pour jouer, apprendre ou se marier. Cette « Emocap» est en fait un casque en plastique sur lequel sont placés 16 capteurs permettant de mesurer et évaluer 6 sensations: stress, ennui, intérêt, colère, tristesse et excitation. Lorsque j’étais étudiant j’arrondissais mes fins de mois en regardant des films avec ce casque sur la tête. Les réalisateurs pouvaient alors retravailler le suspens de leur film et garder l’intérêt des spectateurs jusqu’à la fin.

Aujourd’hui, fini de rire ou de jouer en réseau. Je me connecte à « Googlemonster », le dernier job board de la planète. Enfin, ce n’est plus un site d’annonce comme mon père l’a connu. Il a eu du mal à comprendre le concept mais je crois que cette fois il a compris. Ah je vous jure les vieux, ils ont du mal avec les « émotechnologies » (Il est né en 1982, il faut l’excuser).
Googlemonster n’est pas un site de recherche d’emploi mais un « Global Jobmatching Virtual Portal ». Bon, en français pour mon père encore une fois, il s’agit d’un portail virtuel d’évaluation international.

On ne répond plus à une annonce car l’emploi proposé correspond à ses compétences et à ses attentes. Le temps du CV est révolue (quoi que veuille dire CV ? Si quelqu’un sait ?)
Il faut désormais suivre un processus d’évaluation sélectionnant pour vous les emplois disponibles les plus proches de votre personnalité, centre d’intérêts, capacité de management, résistance au stress, choix de carrière, aspirations personnelles et j’en passe. Nous n’avons plus de diplôme permettant de travailler dans une « filière » mais des « ressources » permettant d’occuper plusieurs emplois et d’avoir une multi-carrière. De plus en plus de gens étalant leur retraite au cours de leur vie active, la vie professionnelle peut être longue, très, très, très longue.

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Je me suis « loggé » sur le site. Pas de mot de passe ou de login, je suis déjà identifié par mon IP encrypté 512 bit. Sur mon écran 3D, une jeune femme me salue et me présente le processus à suivre. Il ne s’agit pas d’une vraie personne bien sur mais d’une IA (Intelligence Artificielle) répondant à mes questions comme une véritable personne. Elle se prénomme Sabine. Elle commence par plusieurs questions en utilisant sa voix douce. Je ne peux pas raconter n’importe quoi. Il s’agit de la dernière série d’IA, elle comprend les nuances et peut rire de bon coeur à mes plaisanteries. Enfin, les bonnes.

L’évaluation commence. Elle durera 4 heures. Il n’y a rien à lire bien sur. Qui lit aujourd’hui en dehors du métro, je vous le demande ? Je me concentre car ma multi-carrière professionnelle commence aujourd’hui.
Le jeu commence. Pendant la première demi heure je me retrouve dans la peau d’un livreur de composants électroniques. Je dois organiser sa journée pour minimiser le temps de livraison et maximiser la satisfaction de ses clients. Parfois je dois conduire moi même sa camionnette à travers la ville virtuelle pour vérifier que mes choix ont été bons.
Je me retrouve ensuite face à une autre IA. Cette fois-ci il s’agit d’un client mécontent car sa livraison est arrivé en retard (My mistake !). J’essaie d’oublier que le ton de ma voix et mon niveau de stress sont mesurés en temps réel. Après 10 minutes de négociation sa satisfaction dépasse 7 sur 10 et je peux passer au niveau suivant.

Les trois heures suivantes vont défiler à toute vitesse. Je vais me retrouver dans la peau d’un développeur de logiciel, d’un recruteur cherchant à débaucher un salarié, quelqu’un cherchant à faire recruter un ami dans son entreprise, un chef de produit cherchant à trouver une idée de nouveau produit (je ne suis pas naïf, je sais bien que si l’idée est bonne, Googlemonster la développera). Je termine par des questions de culture générale concernant mes 20 ressources. Je dois appuyer sur le buzzer virtuel dans les temps en répondant à des questions de plus en plus difficile. Je m’applique car chaque jour celui qui a le plus haut score peut gagner 10 000 euros.

Mon évaluation est terminée. Je m’y connecterai la prochaine fois dans un an si je suis toujours dans le même poste (pour une mise à jour) ou la prochaine fois que je cherche un emploi.

Je dis au revoir à Sabine. Nous nous promettons de nous revoir. Je me rends dans ma boite universelle de réception d’email. Je viens de recevoir une liste de 15 emplois correspondants à mon PU « Profil Universel ». Je ne retiens pas l’emploi de « psychologue pour IA » situé en Malaisie. Je dois commencer demain matin. Peut être l’accepterai-je le mois prochain ?

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Ma présélection se limite à trois emplois. J’étudie précisément les descriptions de postes, les opportunités d’évolution, les compétences développées, les ressources que je vais utiliser et les possibilités de carrières. Je ne souhaite pas me tromper c’est une importante durée de mon avenir professionnel que je vais engager. Au moins 6 mois, c’est vous dire !

Mon choix se portera finalement sur le poste de « technicien transhumaniste » dans une SSII australienne basée à Paris. Mon rôle sera de gérer les relations entre les humains et les différents types d’ordinateur et d’intelligence artificielle. Je vais pouvoir utiliser mes ressources de recherche, de psychologie des systèmes informatiques, de résolution de sudoku les mains dans le dos. Je vais participer à développer et individualiser les personnalités des IA selon leur emploi.

J’ai longtemps hésiter mais j’ai refusé les deux postes suivants :
« Assistant manager à l’innovation » dans une petite entreprise vendant du papier peint numérique permettant d’échanger le couleur d’une pièce a la demande. Mon rôle comprenait l’analyse, la planification et la réalisation des améliorations demandées par les utilisateurs .

« Consultant futurologiste » à Marseille
Cet emploi me demandait de travailler avec les « agences de tendance ». Il s’agissait de construite des scénarios de développement et de production selon les évolutions technologiques, les risques environnementaux, et la demande des consommateurs.

Alors?… Vous pensez que cet avenir est purement fictif ?
En êtes vous sur… Le projet EPOC