Merci à Lucie Descantes pour son invitation à la nuit des RH de l’IGS.

Voici le résumé des questions qui m’ont été posées lors d’une conférence de 40 minutes devant des professionnels RH et mes réponses.

LD. D’après vous, est-ce important de soigner sa marque employeur et pourquoi ?

Oui c’est important, et ça l’est même de plus en plus, et ce pour 3 raisons :

1 Une raison concurrentielle.

Avec avec un taux de chômage de 3% chez les cadres (Apec 2019), et plus de 70% de chefs d’entreprises affirmant avoir des difficultés à recruter, nous sommes vraiment entré dans cette « guerre des talents » dont on nous parle depuis les années 2000. Les candidats ne viennent pas toujours d’eux mêmes et c’est aux entreprises de créer les conditions de séduction. Même les entreprises connues. La nouveauté. Elle doivent comme les autres, de se faire identifier par les candidats potentiels comme un lieu proposant une bonne expérience de travail ET permettant de valoriser son CV.

2 Une raison économique.

Une étude Linkedin (2018) indique que les entreprises ayant une forte Marque Employeur ont des coûts de recrutement inférieur de 50% et un turnover inférieur de 25% à celles qui n’en ont pas. Une étude de 2016 de Aon-Hewitt semble même de prouver que les entreprises ayant une bonne marque employeur ont des résultats supérieurs de 22% à la moyenne comparées à celle qui ont une mauvaise image d’employeur.

3 Une raison d’engagement.

Les entreprises qui pensaient qu’un marque produit forte permettait de faire l’économie d’une marque d’employeur comprennent que c’est en fait un désavantage. La marque produit peut attirer des candidats pour de mauvaises raisons (prestige du nom, rémunération, valeur de la marque sur son CV, etc.) alors qu’une marque employeur permet à l’entreprise de faire une première sélection en indiquant quels candidats l’intéressent. Mettez un jogging ou un costume/tailleur pour sortir vous verrez la différence. Je pense à Disney qui a du retravailler sa Marque Employeur pour cette raison.

LD. Que conseillez aux entreprises qui n’ont pas réussi le 1er virage de la marque employeur ?

Il n’est jamais trop tard bien sur. Je vois deux approches : Une approche simple qui permet d’avoir de très bons résultats rapidement (pour les PME) et une approche plus longue qui inspirée du conseil plutôt destinée aux ETI et grandes entreprises..

1 Approche classique.

La première approche revient à commencer calmement par un audit des pratiques RH et managériales pour s’assurer que les pratiques actuelles ne font pas fuir candidats et salariés.
Il s’agit ici de chercher à être un employeur de référence, pour reprendre la terminologie de mon bouquin sur ce sujet.
Cet audit sera complété d’une formation spécifique à destination des managers pour travailler avec eux sur les pratiques d’intégration et amortir le passage entre le recrutement et l’arrivée dans les équipes. Arrivée qui peut parfois être vécu comme un choc culturel.
Ensuite, les RH pourront établir une politique de cooptation et la formation de salariés ambassadeurs qui iront dans les écoles et sur les salons de l’emploi parler de leur entreprise et des opportunités qu’elle offre.

2 Le process conseil en Marque Employeur

Cette approche suit une méthodologie plus systématique qui repose sur des groupes de travail spécifiques :
> Audit des motivations et de l’engagement des salariés. Pourquoi êtes-vous encore là, que tirez-vous de votre entreprise, serez-vous encore là l’année prochaine, qu’est-ce qui est difficile dans votre emploi ? etc.
> Compréhension des objectifs business avec la direction et des besoins en compétences pour atteindre ces objectifs pour identifier une cible de candidats
> Interrogation de la cible pour en comprendre motivation et attentes via des questionnaires ou des focus groupes (que du classique comme je vous le disais)
> Création de la « EVP » (Employee Value Proposition) destinées à la cible. Il s’agit d’une offre d’employeur et pas d’une promesse. Regardez ce qu’à fait L’oréal récemment avec sa campagne « Thrilling Expérience et culture d’excellence ». 
> Création et lancement de la stratégie com après avoir identifié les points de contact candidats.
> Et bien sur, on mesure tout ! Du rapport support/contact au « time to fill » par canal et par métier.

LD. Comment optimisez son image et se distinguez en quelques conseils clés ? Je pense notamment à Michel et Augustin, qui ont fait le buzz mais dont l’effet est à mesurer, puis qu’apparemment, ils n’auraient pas su gérer comme il faut la quantité de candidature. 

Bon exemple, c’est vrai que la vidéo de Anne-Claire Long dans le métro à fait mouche. J’ignore à quel point ils ont fait le buzz, le seul chiffre que j’ai est qu’ils ont collecté 300 candidatures en un week-end pour 3 jobs disponibles. Aucune idée de la qualité de ces CV. Ce qui est remarquable est que c’est la première fois que je vois une marque employeur renforcer la marque produit alors que d’habitude c’est le contraire. Pas de surprise que Anne claire soit Brand Content Manager and Head of Communications, et pas RH.
Ensuite, votre question m’inspire plusieurs idées. Il est difficile d’optimiser une marque, ce n’est pas un processus de fabrication. Ensuite, n’oubliez pas que la marque employeur est comme un yaourt, ce qui se fait à l’intérieur se voit à l’extérieur et qu’elle dépend d’abord du bouche à oreille des salariés avec leur entourage qui sont les vecteurs de confiance de l’entreprise.
Enfin, toute marque d’employeur doit être cohérente entre le site carrière, la page Linkedin, le contenu des annonces, etc. ET l’expérience vécue par la candidat lors de son recrutement et par le salarié lors de ses interactions avec les RH et son manager.

LD. Si je cherche une action de marque employeur percutante ciblant des jeunes diplômé?, sur quel point devrais-je me concentrer ?

Déjà, j’espère pour vous qu’ils ont déjà eu une interaction avec vous avant leur recherche d’emploi. Que ce soit via des activités extrascolaire, des foires à l’emploi ou parce que l’un de vos collaborateurs est intervenu dans leur cursus scolaire.

Ensuite, un mot clé : « HUMANISER ». On souhaite rejoindre des gens, pas une entreprise. Avec les outils sociaux disponibles en ce moment, aucune excuse ! Vous pouvez utiliser les story Instagram pour documenter la journée des collaborateurs qui souhaitent jouer le jeu. Pensez à Pinterest pour partager les livres préférés des équipes. Facebook pour les événements qui rythmes la vie interne de l’entreprise. Bref, interaction, interaction, interaction à égalité avec expérience, expérience et expérience. Il s’agit ici de créer une stratégie d’influence en fait.

LD. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que la digitalisation et l’omniprésence d’internet a eu un impact colossal sur la Marque Employeur des entreprises et leur manière de se rendre attractif pour les talents. Avez-vous des idées, ou des pistes de réflexions, sur ce qui sera les prochaines transformations de la marque employeur ?

Bingo. C’est ici qu’il faut parler d’Employee advocacy
Selon plusieurs études marketing disponibles, l’ensemble des salariés sont connectés à 10 fois plus de personnes que la marque pour laquelle ils travaillent. 33% des consommateurs croient la marque 70% les recommandations et 90% leurs contacts. Et enfin le contenu partagé par ses collaborateurs a 8 fois plus d’engagement.

Ensuite, il faut prendre en compte les salarié influenceurs. Je pense notamment à ce que j’ai proposé pour le BTP avec le rappeur HKO, maçon à Montluçon. Et ce n’est pas une blague.

Autre piste enfin, rendre sa culture plus transparente ! Qu’elle encourage l’erreur ou qu’elle la punisse, elle doit être présentée aux candidats comme les étiquettes de composition sur les produits. Je travaille sur le sujet mais shh.

LD. Après la digitalisation, on voit maintenant apparaitre de plus en plus de bots ou d’IA se développer – cette technologie pourrait-elle avoir un impact sur l’image des entreprises ? Comment s’y préparer ? et optimiser ce futur grand virage des RH ?

Oui, les promesses de l’IA devant nous libérer du temps en automatisant l’orientation, collectant demandes formation et facilitant l’intégration. Mais attention, les bots sont utilisés pour orienter, pas pour recruter. Il y a cependant une grande disparité dans les pratiques. Regardez les pratiques de Mazar avec SAM son bot de coaching et d’orientation et l’armée de terre qui fait tout à la main et à l’humain.

LD. D’après vous, quels sont les 3 leviers les plus efficaces concernant la valorisation de sa Marque Employeur ?

Pour commencer, communiquez sur la valeur qu’une expérience dans son entreprise apportera dans le CV et le portfolio du candidat. Je pense ici à Arnaud Deschamps qui associe la réussite de Nespresso à ses salariés.
Ensuite, la création de communauté avec les stagiaires comme Thales qui organise chaque une journée de conférences et d’ateliers avec ses stagiaires.
Enfin, trouver une voix vraiment unique en évitant la communication corporate ! Ce qui signifie de mettre les pieds dans le plat et montrer que ça vient du cœur et pas d’un script.

LD. Et dans l’entreprise de 2030, quels leviers imaginez-vous être devenus primordiaux ?

> Une montée des appétences. Selon Mckinsey il y aura 2,66 milliards de travailleurs en 2030 comprenant 250 millions de nouveaux emplois créés et 375 millions de travailleurs qui auront changé d’emploi. Ce qui signifie que la difficulté de recruter des candidats qui savent (compétence) va s’accentuer et que l’envie de faire et d’apprendre (appétence) vont devenir de plus en plus importantes dans le processus de recrutement.
> L’alignement de la culture d’entreprise avec la société va continuer à devenir la pierre angulaire de l’attractivité.
> La « Value & Appetence Based Recruitment » (VABR), c’est à dire la capacité de recruter selon des valeurs précises et actuelles en prenant en compte les désir et talents des candidats.
> La personnalisation de l’expérience collaborateur. Très populaire en Australie depuis quelques années, l’hyper-personnalisation de l’expérience de travail, du contenu de l’emploi à la relation managériale.

LD. D’ici à 2030, les Gen Z feront leurs entrées sur le marché, a quoi pensez-vous qu’ils seront plus sensible ? – Et pour les alphas ?

Je ne vous suis pas dans cette classification à laquelle je ne crois pas mais en termes de valeurs et de cultures il y a effectivement des évolutions. L’illustration que j’utilise souvent pour expliquer cette évolution est la vitesse. Valorisée dans les années 70, criminalisée depuis.
Dans ces évolutions de valeurs il est évident que la conscience environnementale va continuer de se renforcer et que les entreprises ne peuvent plus s’arrêter aux effets d’annonce.
La conscience écologie des entreprises et les pratiques de RSE deviennent des arguments d’attractivité très importants.

LD. Quels paris les entreprises devront faire pour accueillir ces générations dans leurs équipes ?

Facile, l’humanisation et l’authenticité. Dégagez les photos achetées dans des bases de photo et mettez en valeur vos propres collaborateurs. Facilitez la conversation entre ceux qui sont dedans et ceux qui aimeraient rentrer. Donnez à autrui des responsabilités que votre propre chef ne vous a pas donné à leur âge et faites confiance.
Si vous êtes nouveau sur le sujet vous devez savoir que la marque d’employeur concerne aussi les candidats qui n’ont pas été retenu et que l’on retrouve cette marque dans l’intégration, le management, la communication….bref partout.

LD. Les enjeux de la Marque Employeur sont, à mon sens, vouées à évoluer et à s’adapter aux marchés.  Quels sont, d’après vous, les 3 principaux enjeux de la marque employeur « actuelle » ?

Supporter le business, d’après une étude récente (Ifop/le monde 2107) 75% des chefs d’entreprise interrogés ont senti que leur chiffre d’affaires avait été moindre à cause de problèmes de recrutement ! On peut trouver ici un lien direct entre le business et la marque d’employeur mais ce n’est pas le seul !
Je milite pour la création d’un job de « HRhacker« , un RH à cheval entre les ventes, la gamification, les données et les collaborateurs. Visitez le site hrhacking à l’occasion.

Passer de la com au storytelling. Primordial pour la marque employeur car les histoires qui se passent à l’intérieur peuvent créer des vocations

Assister à l’adaptation culturelle de l’Enterprise. Je pense à Total avec qui j’ai travaillé pour identifier l’alignement ou le décalage de leur « attitudes » (ils n’utilisent pas le mot valeur et c’est une bonne idée) aux valeurs sociétales. Ce qui a permis de faire un premier travail de préparation avant de travailler sur la marque employeur.

LD. Et en conclusion ?

J’aimerai terminer avec une petite mise en garde.

Avoir une forte marque d’employeur vient avec un coté négatif car vous risquez de :

  • devenir une cible pour les chasseurs de têtes,
  • recevoir beaucoup de candidature non adaptées,
  • dépenser pas mal d’argent pour des labels qui coûtent cher et prennent du temps,
  • noyer vos salariés dans les enquêtes,

Vous devez donc penser à « l’après marque employeur »