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Bonjour Thibault, merci de m’accorder cette interview. J’aimerai commencer par te demander qui est cette génération « 35 heures » ?
Il s’agit des jeunes diplômés ayant moins de 3 ans d’expérience professionnelle. Ils ont toujours utilisé Internet, le téléphone mobile et n’ont connus que les 35 heures comme durée légale de temps travail. Autre particularité, ils n’ont pas réalisés leur service militaire (qui occupait 350 000 jeunes par an) et n’ont donc pas connu cette année « sans enjeux » afin de prendre du recul avant l’entrée dans le monde professionnel.
Enfin, j’estime qu’ils ont de nouveaux réflexes: Rapidité d’exécution et de compréhension, curiosité à outrance pour le coté positif, mais aussi quelques lacunes - en capacité de synthèse et d’analyse en se reposant parfois sur le copier-coller.

Si l’on peut se permettre de généraliser, quelles sont les grandes tendances de leur comportement ?
Ils sont curieux ! Leurs comportement peuvent être considérées comme déplacés et voir même un peu arrogants. Ensuite, contrairement à ce que certaines enquêtes veulent nous faire croire, ils sont entrepreneurs ! La création d’entreprise explose, et en particulier dans les banlieues où l’artisanat et le commerce ont la faveur des jeunes. Cette génération n’est une génération de fumiste ou de glandeur. Ils veulent travailler mais aussi s’épanouir en même temps.
Enfin, ils remettent en cause l’autorité institutionnelle comme la Police, le gouvernement, la solidarité des générations, etc….


Génération 35 heures ? Pourquoi avoir utilisé ce terme franco-français ?
Parce que cette génération Y « à la française » a une particularité que l’on ne retrouve pas à l’étranger : Les jeunes entrent dans l’entreprise avec méfiance !
Et rien d’étonnant à cela ! L’entreprise est mal vue depuis les bancs de l’école. Selon une enquête récente, a vérifier, des professeurs d’économie de terminal se disent trotskistes. Très tôt il leur est démontré que gagner de l’argent est malsain et que les patrons sont des exploiteurs. Et la presse participe d’une certaine manière à cette image en stigmatisant l’entreprise lors des licenciements massifs, ou plus récemment sur la question des indemnités de départ. Les réussites professionnelles sont bien souvent considérées comme suspectes et gagner de l’argent ferait presque honte.

Et les managers sont-ils considérés comme étant à la solde des patrons ?
Non. Le manager direct est un « surveillant général » qui est dans le même bateau que les salariés. S’il comprend que les trois critères de la valeur travail ont évolué et sait s’adresser à son équipe, il peut devenir un interlocuteur privilégié.

Les critères de la valeur travail ?
Pour mémoire ces trois critères sont : Economique (Gagner de l’argent pour vivre), Social (avoir un statut pour exister socialement ) et Epanouissement personnel.
L’importance de ces critères a évolué. Si les jeunes diplômés veulent gagner de l’argent, ils attendent d’abord de s’épanouir. L’enrichissement n’est plus la première motivation comme il a pu l’être dans les années 80. Cette demande d’épanouissement demande aux managers d’être plus cool et de guider plus que de contrôler pour alléger le système hiérarchique.

Proposez vous des moyens pour les manager ?
Oui. Gagner en humilité. On n’est plus « le chef » car on est investi d’une autorité venant du haut mais en gagnant le respect du bas en présentant un modèle d’exemplarité et de transparence. Ce ne sont plus aux jeunes diplômés de devoir faire leurs preuves mais aux managers ! Par exemple, les premiers à souffrir en ce moment sont les cabinets d’audit qui ont poussés à l’extrême le système « presse citron » faisant l’apologie du stress, des délais de réaction instantanés et des horaires de travail à rallonge.
Nous sommes dans l’air du plaisir. Les managers doivent savoir répondre à leurs attentes hédonistes.
Une autre chose avec laquelle les managers doivent composer est leur « individualitarisme ». Ils sont à la fois replié sur eux-mêmes (seul face à leur ordinateur) et connecté dans leur univers (en ligne).

En conclusion
On ne changera pas « l’impétuosité » de cette jeune génération mais on doit capitaliser sur leur créativité et apprendre à les gérer. Cela demande de remettre en cause le système éducatif et les modes de management.
Les managers doivent développer leur capacité d’écoute et de dialogue. Les entreprises doivent pouvoir expliquer leur raison d’être et améliorer leur pratiques d’intégration afin d’apprendre aux nouveaux arrivant ce qu’est une entreprise.
Les relations entre l’entreprise et les universités doivent aussi être rapidement approfondies.

Pour finir pouvez-vous nous en dire un peut plus sur les suites de cet ouvrage ?
Pendant que je terminai cet ouvrage qui est le témoignage d’un chef d’entreprise face aux attentes des jeunes diplômés, j’ai commencé à mener un travail d’analyse dans le cadre de l’association dont je suis le président : L’association Positive Entreprise

Un livre blanc sera publié avant l’été. Il sera plus sociologique et apportera une vision croisée entre l’enseignement, l’entreprise et, bien sur, les jeunes. J’interviens également dans la commission réfléchissant sur le management des générations le cadre du MEDEF ( au sein de la commission Nouvelle Génération).

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3 réponses à “Entretien avec Thibault Lanxade, auteur de “Génération 35 heures” aux éditions éditéa.”
  1. Jean Pralong dit :

    Je me dis qu’il faut modérer ce vent de panique… L’ordre règne encore et les jeunes ne sont pas suicidaires. ils savent utiliser les règles à leur profit. Mais le coeur, c’est vrai, n’y est plus. ça c’est nouveau. La génération Y, c’est l’avant garde des Nouvelles Carrières… une sorte de version amplifiée du phénomène. Comment pourrait-il en être autrement ? Ce qui est spécifique aux moins de trente ans, c’est aussi l’aventure de la génération de leurs parents : nés après-guerre, croyant au progrès économique et à l’Europe, cadres modèles, dévoués à l’entreprise, respecteux des managers, loyaux, fiables jusqu’à l’ascèse… et licenciés plus ou moins proprement dès la cinquantaine venue. Résultat ? Leurs enfants n’ont simplement pas confiance. A une promesse de long terme, dont ils ont vu combien elle n’engageait que ceux qui y croyaient, ils préfèrent de l’intérêt et du fun a court terme. Logique non ?
    Jean Pralong - http://www.nouvelles-carrieres.fr

  2. Stéphane Roger dit :

    L’écart culturel me semble en effet tout à fait tangible avec la génération Y, et est pour moi le fait des valeurs personnelles et des attributs associés au monde de l’entreprise différentes.

    Ce qui est intéressant c’est qu’en travaillant dans le high-tech on peut très bien être génération Y dans le comportement (utilisation du web et de la technologue) alors qu’on est génération X dans la date de naissance et surtout dans les valeurs. Oui je parle de mon cas. Combien sommes-nous dans ce cas ? (Je pense bien évidemment aussi à Thibault Lanxade et Benjamin)

    J’ai 36 ans et ai travaillé 11 ans dans l’IT, surtout dans les jeux vidéos. Et je rencontre depuis quelques années des générations Y qui n’appréhendent pas la valeur “job” de la même manière. J’utilise exprès le mot job car “emploi” me semble être aliénant et peu compatible avec des éléments de réalisation personnelle active, ni le mot “travail” car faire un blog, participer activement à une communauté est un réel travail, alors qu’il n’y a pas de rémunération attaché à celui-ci, ni de hiérarchique. “La vérité est ailleurs” diraient certains. Avec mes mots (peut-être d’autres les ont repris) je trouve que le monde s’est “horizontalisé” : le modèle “vertical” était hiérarchique, patriarcal et en provenance direct du monde animal. Il contenait toute l’organisation de la société qui était la même au niveau personnel, familial, social, mais aussi du travail. Chacun savait où était sa place.
    Qu’en est-il de la nouvelle société dans l’ensemble de ses dimensions ? Connaissez-vous des livres/articles/sites qui traitent de ce sujet ?

  3. cebeau dit :

    Bonjour,

    Je trouve tres sympa ce genre d’intervention.

    Il est important de voir intervenir des personnes aussi concernées que Mr Lanxade qui connait aussi bien les jeunes que leur precarité.

    C’est vrai car debut 2008 il a quand meme licencé 6 commerciaux de moins de 30 de la société GAZINOX dont il etait directeur general!

    Effectivement, le chomage et la precarité des jeunes il connait, il en est meme l’acteur principal!!!

    ——————————-
    Droit de réponse à Thibault Lanxade

    Cher Monsieur,
    Diriger une entreprise c’est faire des choix, parfois difficiles.

    Face à une situation économique qui pouvait mettre en péril l’activité de la société dont vous parlez, j’ai été amené effectivement à licencier une partie de la force commerciale, effectivement composée de jeunes.

    Il faut assumer ce rôle de dirigeant, même si en l’occurrence il s’agissait de diriger une filiale, et il est parfois nécessaire de se séparer de collaborateurs pour sauver les emplois des autres, et notamment d’autres jeunes. Je comprends parfaitement que pour les licenciés en question, ce raisonnement est difficilement audible. Il n’en est pas moins vrai.
    Par ailleurs et je pense que ce point mérite d’être précisé, cette restructuration a été réalisé en parfaite conformité avec les règles légales et je dirais même de façon exemplaire. Chaque cas a été étudié en profondeur, une société d’outplacement a été mandatée pour permettre aux intéressés de retrouver rapidement une activité.
    Le travail de ce cabinet a été suivi de près et à date, 100% des licenciés ont retrouvés une activité en moins de quatre mois (en intégrant la période de préavis). Connaissez-vous beaucoup de structure de moins de 30 personnes qui mandatent un cabinet d’outplacement ?

    Enfin, je ne suis plus le dirigeant de cette filiale et j’ai depuis lancé ma propre entreprise, ce qui me permet aujourd’hui d’avoir la chance de pouvoir recruter des collaborateurs, et notamment des jeunes.

    Comme vous pouvez le constater, tout n’est pas aussi simple, la roue tourne et tournera, pour vous aussi je l’espère sincèrement.

  4.  
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